Le 8 novembre 1965, l’archipel des Chagos a été officiellement détaché de l’île Maurice. Cet événement a marqué un tournant controversé dans l’histoire de la région, un tournant entouré de manœuvres politiques, de voix ignorées et de mythes tenaces. Dans cet article, nous démêlons les faits, dissipons les hypothèses et mettons en lumière les perspectives inédites qui se cachent derrière l’un des épisodes les plus contestés de l’océan Indien.

Le contexte politique

Dans la période précédant l’indépendance mauricienne, le Royaume-Uni a proposé de détacher l’archipel des Chagos pour former le Territoire britannique de l’océan Indien (BIOT). Le Conseil des ministres de l’île Maurice, dont Sir Seewoosagur Ramgoolam et les ministres Koenig, Duval et Devienne, a donné son accord de principe, non sans hésitation.

Ils ont exprimé leur inquiétude quant à l’insuffisance de la compensation de 3 millions de livres sterling et ont déploré l’absence d’accords sur les quotas de sucre. Notamment, Koenig a déclaré plus tard :

 « Nous ne sommes pas contre l’excision des îles pour les besoins militaires de l’Ouest ».

 – L’Express, 13 novembre 1965

Le 11 novembre, les trois ministres démissionnent, signe d’un désaccord interne et d’un malaise – mais pas d’un rejet pur et simple – de l’accord.

Les Chagossiens ont-ils été consultés ?

Voici la vérité la plus troublante : à aucun moment au cours du processus d’excision, les Chagossiens – les insulaires indigènes – n’ont été consultés. Dans les procès-verbaux officiels de la conférence de Lancaster House, ils ne sont mentionnés qu’au titre des questions d’indemnisation, mis dans le même sac que les propriétaires terriens et considérés comme une main-d’œuvre.

Le 10 novembre 1965, Anthony Greenwood, secrétaire d’État britannique aux colonies, a déclaré au Parlement que les Chagossiens étaient simplement « des Mauriciens composés d’une main-d’œuvre et des personnes à leur charge originaires de l’île Maurice et employés dans les plantations de coprah ». Seuls 638 individus ont été recensés, un chiffre sous-estimé et dépersonnalisé.

L’indépendance n’était pas garantie

Malgré la croyance populaire, l’indépendance de l’île Maurice n’était pas acquise en 1965. Les paragraphes 22 et 23 du procès-verbal de la Conférence de Lancaster House utilisent un langage prudent – « En cas d’indépendance… » – indiquant que la souveraineté n’interviendrait qu’après un résultat favorable aux élections générales de 1967.

En effet, si le parti PMSD l’avait emporté, le Royaume-Uni n’aurait probablement pas accordé l’indépendance du tout, même si les Chagos avaient déjà été détachées.

Briser les mythes : Qui était responsable ?

On dit souvent que Sir Ramgoolam a agi seul dans l’accord d’excision. La vérité est que quatre dirigeants politiques clés étaient impliqués et qu’ils ont eu de multiples occasions de changer de cap, tant à Londres que chez eux, à Maurice.

L’excision n’a pas été imposée, c’était un acte négocié, même si la dynamique du pouvoir était inégale.

Réflexions finales

L’histoire des Chagos n’est pas seulement une question de politique ou de frontières, c’est une question de personnes. Les Chagossiens n’ont pas été consultés, n’ont pas été comptés correctement et ont finalement été déplacés. Ils ont été traités comme une note de bas de page dans un jeu géopolitique.

Comprendre cette histoire, ce n’est pas seulement rétablir la vérité, c’est aussi donner une voix à ceux qui ont été réduits au silence.




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